Cuzorn et la « Vallée de la Lémance »

Située aux confins nord-est du Lot-et-Garonne, tutoyant Lot et Dordogne, la « vallée de la Lémance », où se trouvent Saint Front et Cuzorn, présente les mêmes attraits que le Quercy et le Périgord sans souffrir des inconvénients d’un tourisme trop important.

Zone agricole et boisée, la vallée a vu se développer harmonieusement et sans conflit agriculture et industrie, sans blesser les sites, sans défigurer les paysages. Nulle friche industrielle, nul champ à l’infinie monotonie mais un univers de parcelles colorées, de l’or des champs de céréales moissonnées aux verts intenses des maïs, des vergers , des forêts.

Amoureux de l’archéologie, du patrimoine, de tous les patrimoines, de la nature, de la culture, du sport et de la gastronomie, soyez les bienvenus en ce pays aux charmes discrets qui, comme toutes les Belles, ne se livrent qu’à ceux qui savent l’approcher ; mais se livrent alors sans restriction. Car si la vallée ne fut jamais le théâtre d’un haut fait de l’histoire, cette dernière n’en a pas moins laissé ces traces, précieuses et saisissantes. Partons donc pour un parcours virtuel dans cet autre Pays de Cocagne.

Les hauts lieux de la préhistoire tels que Lascaux ou Pech-Merle ne sont qu’à quelques dizaines de kilomètres. Mais la vallée réserve aussi ses surprises en la matière. Dans le village de Sauveterre, l’archéologue Laurent Coulonges découvrit le « sauveterrien » période du mésolithique. Le musée de Sauveterre et le site du Martinet permettront une plongée de quelques milliers d’années en arrière, au coeur de cette civilisation de chasseurs. Au cours des promenades, on peut aussi découvrir d’inattendus dolmens tel celui de Bagel sur la commune de Sauveterre.

Le Moyen Age nous livre de plus nombreux et de plus impressionnants témoignages. De la Guerre de Cent ans, ces lieux firent particulièrement les frais, disputés entre Français et Anglais, passant de l’un à l’autre. De cette lutte virulente, il reste aujourd’hui les bastides (Monflanquin, Villeréal, Villeneuve-sur-Lot, Villefranche du Périgord, Beaumont du Périgord), villes nouvelles construites sur un plan carré autour d’une place, aux rues à angles droits, destinées à symboliser la puissance du souverain qui en commandait l’édification. Aujourd’hui, particulièrement prisées des antiquaires et des artisans qui offrent là la palette la plus vaste de leur savoir-faire, elles constituent un formidable but de promenades, mêlant harmonieusement curiosité architecturale (vieilles bâtisses intactes, portes en ogives, place couverte, etc…) et découverte du « bel objet ». L’église de Saint Front est un autre exemple de ces temps tourmentés. Elle est une des rares églises fortifiées de la région, mêlant architecture militaire et sacrée. Sa remarquable acoustique lui permet en outre d’accueillir régulièrement des formations de musique classique. Mais le joyau architectural est indiscutablement le château de Bonaguil, navire de pierre avançant sa proue majestueuse sur l’océan des forêts qui l’entourent. Chef d’œuvre de l’architecture militaire, il est encore rigoureusement intact, n’ayant jamais eu à livrer de bataille sévère. Ouvert à la visite, il livre ainsi, de l’intérieur, les secrets de sa puissance : mâchicoulis, murs considérablement épais, pont-levis, douves, donjons, etc. Les hommes de guerre ont aujourd’hui laissé la place aux plus paisibles artistes puisque le majestueux château abrite, en août, un festival de théâtre où sont donnés textes des répertoires classique et moderne, dramaturgies ou pièces légères.

Mais la vallée se signale plus par sa présence économique que politique et militaire. En effet, dès le XVII° siècle, profitant de la richesse du sous-sol, de la présence des forêts  et d’un cours d’eau puissant sans être capricieux, un artisanat prospère voit le jour. La métallurgie se développe : bas fourneaux, hauts fourneaux et forges se multiplient. On peut encore admirer ces témoins en divers points de la vallée : à Blanquefort, Saint Front entres autres. Très nombreux étaient aussi alors les moulins (forces motrices mais aussi papeteries, tanneries, minoteries). L’un d’entre eux mérite vraiment le détour, le moulin de Pombié à Cuzorn. C’est là en effet que l’on fabrique du papier d’art, selon des techniques traditionnelles, avec des machines dont certaines sont centenaires. Un papier rare et précieux qui vaut à cet artisan une clientèle internationale.

La métallurgie de la « vallée de la Lémance » n’a pas survécu au XIX° siècle, sans doute concurrencée, entre autres, par le géant sidérurgique qui naissait alors dans la ville toute proche de Fumel. Géant qui ménage aujourd’hui une surprise à quelques heureux, présents lors des Journées du Patrimoine : un exemple rarissime de la Machine de Watt, en parfait état de fonctionnement. Il ne faut pas en déduire pour autant que l’industrie est morte à ce moment là. Elle a su exploiter d’autres ressources locales : les bois d’œuvre et le calcaire. Les premiers ont permis le développement de plusieurs parqueteries, de taille variable mais toutes également profondément enracinées dans le terroir et son histoire. C’est ainsi que les communes de Cuzorn et Saint Front peuvent s’enorgueillir d’abriter l’un des leaders mondiaux du parquet : les Parquets Marty dont les produits et la réputation ont depuis longtemps dépassé les frontières de l’hexagone. Quant au calcaire, outre les prodigieux fossiles qu’il livra, il a permis le développement de plusieurs cimenteries.

Des industries donc, mais cela ne s’est pas accompli au détriment de l’agriculture. Au contraire, la complémentarité s’est naturellement imposée, mettant ainsi en place des communautés d’ouvriers paysans, partageant leur temps entre l’atelier et les champs.

L’agriculture qui ménage encore aujourd’hui de belles, de succulentes rencontres dont les papilles ne peuvent que se réjouir. Septembre voit les prunes mûrir pour devenir ces fameux « Pruneaux d’Agen » que l’on apprécie aussi bien nature que complaisamment gratifiés d’eau-de-vie. C’est aussi à ce moment-là que les forêts livrent leur modeste trésor : le cèpe. S’il n’est pas question d’aller soi-même les cueillir, il n’en reste pas moins possible d’en acquérir. Les bastides de Villefranche de de Monpazier ouvrent alors leur éphémère et pittoresque marché aux cèpes. La halle se couvre alors de cageots où s’exposent, sur des lits de fougères, les chapeaux ronds, dodus et fermes des très jeunes champignons, aussi appelés « bouchons de champagne » et ceux, épanouis, aux parfums subtils des champignons plus vieux, sans lesquels la banale pomme de terre ne saurait devenir « Sarladaise ». Pour ceux qui n’auront pas la joie d’assister à l’un de ces marchés traditionnels, reste encore la « Maison de la Châtaigne et du Champignon à Villefranche, véritable plongée dans les sous-bois et la culture locale.

 

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